Après la rue des entrepreneurs et ses discrets commerces iraniens, on a voulu choisir un lieu beaucoup plus touristique, qui nous a aussi pas mal fait voyager avant de commencer Dumplings & More. Seulement voilà, avant Dumplings & More, c’était un quartier dont on ne savait pas grand-chose, on se doutait bien qu’il avait une histoire, on pouvait le deviner aux devantures qui affichaient leur date d’ouverture au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. L’histoire est pourtant encore plus ancienne.
Le marais
La rue des rosiers, dans le quartier parisien du marais fait partie du Pletzl, petite place en yiddish, que l’on considère aujourd’hui comme le quartier juif historique à Paris.
L’histoire de cette communauté dans la capitale est comme partout très complexe. Tolérés ou pourchassés selon les périodes, on retrouve principalement des traces de communautés juives dans la banlieue sud de Paris, autour de Villejuif notamment, et de la rue de la Cité près de Notre-Dame, ancienne rue de Juiverie.
Ce serait au 12ème siècle, sous Philippe II, que la communauté s’installa autour de la Rue des rosiers. A cette époque encore, elle se fait discrète, difficile donc de trouver des devantures aussi anciennes. Cela change à la fin du 19ème siècle. Dès 1881, des Juifs ashkénazes affluent de l’est pour fuir les pogroms. Dans les années 1900, on parle du Pletzl, avec son école, ses commerces, ses synagogues, ses restaurants…
Les lieux les plus connus de nos jours datent principalement du 20ème siècle : un fameux champion du falafel ouvert dans les années 1960, des deli pleins de surprises et des boulangeries remarquables. Une histoire qui s’écrit encore aujo urd’hui avec l’arrivée du sabish et l’ouverture d’adresses comme Alfi.
L’histoire du marais
L’activité du quartier du marais s’est surtout développée au 19ème siècle, et plus particulièrement au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. C’est à cette époque que de nombreux immigrés juifs venus d’Europe de l’Est espèrent y trouver une vie meilleure. C’est le cas de Joseph Korcarz qui ouvre sa boulangerie éponyme au 29 ou Dora et Itzik Finkelsztajn immigrés dans les années 30 qui ouvrent la fameuse Boutique Jaune au 27. Dans le cas de ces derniers, il s’agit d’un delicatessen comme on en trouve de l’Allemagne à la Pologne. Un lieu entre la boulangerie, pâtisserie et épicerie fine, qui propose également de dresser dans un bagel, les préparations, charcuteries et autres pickles maison.






Paris aurait peut-être pu bénéficier de ces fameux deli comme à New-York, mais ici, c’est plutôt la boulangerie qui a gagné ! Ainsi, même si vous ne le remarquez pas forcément, de très nombreuses boulangeries dans le Pletzl sont juives et proposent des spécialités sépharades ou d’Europe de l’Est.
Observez donc avec attention, au delà des Hallah, vous trouverez peut-être des oranais, montecaos, strudels et babkas.
Mais il faut avouer qu’au milieu de toutes ces adresses qui ont fait leurs preuves comme l’As du Falafel, ou les plus jeunes très remarqués par les guides culinaires à la mode comme Alfi ou Miznon, on a un petit faible pour la Boutique Jaune. Vous y serez accueillis toujours très chaudement et on vous fera goûter plein de choses. Il est vrai que l’astuce a fait ses preuves, on en ressort rarement les mains vides. Un bagel bien garni, quelques boreks épinards, peut-être un Pletzel ou un cheesecake.
Les vendeuses vous parleront comme des habitués.es, il y en aura d’ailleurs toujours un ou deux dans la file d’attente au milieu des touristes. Ces mêmes vendeuses qui vous glisseront un “pour l’enfant, non prenez plutôt celui à la viande, dans celui à la pomme de terre il y a beaucoup d’oignons”…

Quand le Paris lgbtqi+ du Marais disparaît progressivement, au profit des grandes enseignes à touristes, c’est typiquement des adresses comme celle de Sacha Finkelsztajn qui font de la résistance.
Nos recettes à faire à la maison
Si nous n’avons jamais dédié de mois à la cuisine juive, nous l’avons évoqué à de très nombreuses reprises. A travers des régions d’Europe de l’Est, en Tunisie, aux États-Unis ou lors de notre mois sur le thème des “fêtes” du monde.

D’abord, parlons d’une spécialité de déli d’outre-Atlantique : le reuben. Ce sandwich est composé de pain de seigle, souvent rattaché à la cuisine ashkénaze, de pastrami, de fromage, de choucroute et de sauce russe. Deux principales légendes se disputent la paternité du sandwich, mais les histoires sont très similaires : pour nourrir des clients affamés, les gérants auraient mis entre deux tranches de pain des ingrédients emblématiques de leur boutique.

La deuxième photo est une recette de la cuisine sépharade, la mina de matza. On rassemble sous ce terme les communautés juives de la péninsule ibérique. A la reconquista, les séfarades émigrent massivement en Algérie, au Maroc et jusqu’aux Balkans. L’Empire ottoman accueille à ce moment-là des ashkénazes qui fuyaient des pogroms cosaques de l’Empire russe.
C’est ainsi que les habitudes ashkénazes se mêlent à celles des séfarades, des musulmans ou des populations des Balkans. Comme la cuisine turque actuelle, on peut voir que ce plat concentre le meilleur de la méditerranée!

On passe ensuite à la chebtya, le couscous boulettes de la région de Mahdia. Parmi les ingrédients indispensables, on compte des épinards ou du fenouil, mais surtout de l’aneth ! Il est courant de frire ces petites boulettes. Cependant, cette méthode semble récente, les recettes plus anciennes les disposent encore crues en bas du couscoussier avant de les couvrir de semoule.

Enfin, la mouna de Pessa’h ! Après 9 jours de restrictions alimentaires (sans pâte levée), c’est un moment de fête. En Afrique du Nord, la tradition de la mimouna est apparue peu après la Reconquista. Celle-ci, plus culturelle que religieuse, a pris quelques libertés avec les textes.
Ainsi, si les restrictions durent normalement un jour de plus en dehors des terres d’Israël, la mouna est consommée le dernier jour de pessa’h en Afrique du Nord. Elle fera penser aux autres brioches méditerranéennes comme le tsoureki grecque, mais elle est ici parfumée aux zestes de citron et d’orange qui lui donnent un goût particulièrement fruité.
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